|
|
|
|
||
|
|
|
|
|
|
" Et si le puits, là-bas, près du chemin
qui mène à Ben Slimane, sétait tari
?
Si les mots ne voulaient plus couler que comme des larmes, le long de ma joue ?
Si le silence était un nouvel ami, sil était le seul à
pouvoir calmer ce vacarme en moi ...
Si les éléments de cette terre, trop intérieurs, trop impérieux,
trop liés à mon essence, ne voulaient plus jaillir hors de moi ?
Sils restaient désormais accrochés aux parois de mon âme
?
- Cest possible, ma fille, a murmuré la vieille femme. Cest possible. Mais alors, écris sur le sol, en plantant ces graines, ou donne avec ton sourire ces pierres qui ont bâti les murs de ta demeure. Ne laisse pas ces cailloux se perdre dans les forêts. Noublie pas que de simples pierres peuvent permettre à un homme de retrouver sa maison ! "
Elle sourit à la vieille dame. Elle a raison. Elle doit sourire encore, et tendre, avec tendresse, ces pierres magiques. Les égrainer sur les chemins quelle parcourt, même si ces chemins sont déserts et que les créatures y semblent amères comme de la mauvaise herbe. Même si ce ciel-là respire tout le mépris de lhiver, si la pluie dici a perdu son goût si pur, descendu des zones éthérées, même si les nuages ne sont plus que de pauvres ballons deau, percés .
" Comment, alors, repousser ce silence qui me pénètre, cette poussière qui étouffe mes narines et bâillonne mes lèvres ?
- Pense à quelque chose que tu as aimé très fort, ma fille. Pense à une odeur, un goût, un mot, un visage, une main peut-être aussi
- Oui, je me souviens dune odeur qui me donnait le sourire .Oui Cétait celle des pépites grillées, pépites dor que lon vendait à la sortie de mon lycée, là-bas Elles sentaient le chaud. Elles sentaient les éclats de rire, bris de verre de nos coupes de Dieux de lOlympe Elles nous regardaient, agacées et fripées, de leurs petits yeux noirs luisants. Elles envahissaient nos poches et nos mains, se glissaient en craquant entre nos dents et allaient lamentablement sécraser dans les casiers de nos bureaux décoliers Je crois quelles avaient une vie propre, parce quelles existaient encore, étalées sur le bitume
- Tu vois, ma fille, comme le silence sefface devant des instants de vie . "